Article paru dans le "Dauphiné Libéré" (édition de la Haute-Savoie) le dimanche 12 décembre 2004


GÉNÉALOGIE EN PAYS DE SAVOIE


Des noms et des hommes :
aujourd'hui les Métral


Étymologie
Le "métral" était un "fonctionnaire" comtal chargé à l'origine de l'administration d’une "mestralie" regroupant plusieurs paroisses, mais la mestralie d'Outre-Fier à Annecy ou la mestralie des Arves en Maurienne (XIe siècle). Avec la disparition de ces entités administratives, remplacées par les châtellenies (à partir de 1200, environ), son rôle semble s'être rapidement restreint pour n’être plus au Moyen Age classique qu’un petit fonctionnaire chargé au sein d'un fief ou d'une paroisse de la perception de quelques redevances et de l'exécution de décisions comtales ou ducales et judiciaires.
En ce sens, le "métral" ou mieux "mestral" savoyard (et dauphinois) est en quelque sorte un petit cousin du "mistral" provencal. Métral et Mestral doivent donc être rapprochés du patronyme Mistral, mais aussi des Mestrallet.
Les Métral descendent donc certainement de l'un de ces fonctionnaires. Certains Métral du Chablais portaient "d’or au chevron d’azur à la bordure denchée de gueules" (armes bourgeoises). Une branche noble portait "De gueules au lion d’art à la cotice d’azur brochant sur le tout" (armes nobles). Les Métral de Châtillon, marquis de Thônes portaient quant à eux : "D’azur à trois bandes d’or au chef d’argent chargé de trois étoiles (ou molettes) d’azur" (armes nobles).

Statistiques
Quoique dans notre "inconscient collectif" les Métral paraissent nombreux, on ne compte à ce jour guère plus de 2600 porteurs du nom dans l’Hexagone. La Haute-Savoie est le 1er  département Métral de France, la Savoie le 4e. 482 Métral (hors tout surnom) ont vu le jour entre 1891 et 1915, dont 274 en Haute-Savoie et 20 en Savoie, 650 entre 1916 et 1940, dont 358 en Haute-Savoie et 28 en Savoie, 816 entre 1941 et 1965, dont 439 en Haute-Savoie et 46 en Savoie. 643 enfin entre 1966 et 1990 dont 302 en Haute-Savoie et 36 en Savoie.

Surnoms
Métral-Court, Métral-Madrid, Métral-Bardollet Métral-Syord en Faucigny,, Mét!al-Charvet à Ugine, Métral-Biollay Métral-Boffod, Métral-Guelon, Métral-Lambert ou Métral-Pioget à Aviernoz et aux Ollières etc...

Le plus ancien retrouvé
L'an 1381, le châtelain de Thonon perçoit sur Mermet Mestral, mercier de Coponay, une amende de 40 sous, au prétexte que ce dernier avait prélevé de son propre chef une amende, de 10 sous sur l'épouse du juif Aquinet sur le marché de Thonon, soit-disant au nom du comte de Savoie, mais en réalité pour son propre intérêt (archives camérales).

Les nobles lignages
La fonction de métral et donc le patronyme qui en est découlé, sont tellement répandus dans nos vallées, que immanquablement, une ou l'autre de ces touches devaient accéder un jour ou l'autre à cette "consécration sociale" que constituait la noblesse.
Nous pouvons ainsi citer deux rameaux de la souche chablaisienne, la première représentée dès le XVIe siècle avec noble Mermet Mestral, sommelier du duc de Savoie, dont la descendance semble s'être éteinte dès avant 1550, avec trois fils sans alliance et deux filles Bernardine et Blanche, mariées dans des familles bourgeoises, les Traynon et les Chessel. La seconde branche prend son essor définitif avec spectacle, puis noble Jacques Métral, secrétaire de Son Altesse Royale, puis premier greffier en la Chambre des comptes, commissaire des guerres, trésorier général en Savoie et enfin maître auditeur en la Chambre des comptes, lequel teste à Évian le 23 août 1688. Son petit-fils Charles-Maurice Métral, titré seigneur de Châtillon, co-seigneur de Thollon acquierera des droit sur le marquisat de Thônes en épousant le 24 août 1744, Christine-Thérèse de Bertrand, fille du dernier marquis de Thônes de cette race. Leur fils Joseph-Joachim-Xavier Métral achète le marquisat de Chignin le 28 novembre 1780. Capitaine au régiment de Tarentaise, syndic de Chambéry en 1779, chevalier de Saint-Maurice et Lazare, la Révolution le jettera en prison où il s’éteindra sans descendance, le 5 juin 1794.

Un général
Issu de ce noble lignage, Jean-Baptiste-Joseph Métral voit le jour à Chambéry, le 8 août 1703. Comme beaucoup de nobles de son époque, il s'engage dans la carrière des armes, mais malgré sa qualité sociale et ses relations familiales il ne connaîtra qu’une lente ascension professionnelle, d'aucuns la qualifieraient même de « poussive ». Capitaine à 38 ans, il n'accède au grade de major qu'en 1747 au sein du régiment de Tarentaise. Il va ainsi stagner pendant dix longues années, avant  d'être transféré au régiment de Chablais et y arborer les galons de lieutenant-colonel. Cette situation va durer encore six ans au terme desquels il est de nouveau reversé au régiment de Tarentaise dont il assume cette fois le commandement. Colonel à 56 ans, le gouvernement de Turin lui confie le commandement de la place militaire de Novare, en 1769 et ce n’est qu’en 1776 que le roi de Sardaigne daignera le décorer du plus haut grade de l’armée sarde : celui de lieutenant-général des Armées de Sa Majesté. Il est finalement nommé au poste de gouverneur d'Ivrée et reçoit le grand cordon de l'ordre des Saints Maurice et Lazare, avant d’être admis à la retraite.Le général Métral  teste le 4 avril 1782 et s'éteint à Chambéry le 24 du même mois. Il sera inhumé en l'église Sainte-Claire de Chambéry.

Un résistant
Né le 11 août 1921 à Saint-Jorioz d'une famille de maraîchers, Alphonse Métral, ouvrier tourneur sur métaux, milite très jeune dans le Mouvement de la jeunesse ouvrière chrétienne, (JOC). Il en est en 1939, le président fédéral pour la Haute-Savoie et obtient l'année suivante le statut de permanent régional pour les deux départements savoyards, fonctions élargies à l'Isère, à la Drôme et aux Hautes-Alpes un an plut tard, il s'installe alors quelques mois à Grenoble. Rentré au pays réfractaire au STO, il crée en avril 1943 le camp de Manigod où sont accueillis d'autres réfractaires venus de tous les horizons, tant géographiques que politiques. Le camp est promu au mois de janvier 1944 "école de maquis" et placé sous l'autorité du lieutenant Jourdan. Alphonse Métral y organise l'accueil des jeunes et, crée des "cercles de réflexion". Il prend part aux combats des Glières en qualité de secrétaire du lieutenant Tom Morel, puis du capitaine Anjot (31 janvier - 26 mars 1944). Il réussit en compagnie d'André Fumex à échapper à l'encerclement du plateau et rejoint la résistance d'Annecy. A la demande du comité départemental de la Libération, Il réorganise la CFTC dont il assumera le secrétariat général d'août 1944 à janvier 1945. Conseiller municipal d'Annecy, au lendemain de la Libération, il participe au lancement du MRP (parti gaulliste) dans le département, devient journaliste au quotidien catholique grenoblois "Le Réveil", puis s'oriente vers le monde des fromageries où il exercera pendant près d'un quart de siècle une charge de directeur commercial. De nouveau conseiller municipal à Annecy (1959-1974), suppléant de Chartes Bosson à l'Assemblée nationale, il se rallie finalement à là candidature de Valéry Giscard d'Estaing en 1974. Alphonse Métral préside de 1970 à 1990 l'Association des rescapés des Glières et sera membre de 1992 à 1995 du bureau du comité départemental des retraités et personnes âgées de Haute-Savoie (d'après C. Sorrel « dict. du monde religieux).

Les Métral, ce sont aussi…
Plusieurs hommes d’Église au nombre desquels parmi les plus contemporains, l'on peut citer : Émile Métral, né en 1921 à Villaz, ancien étudiant des Facs catho. de Lyon, détenteur d'une licence de philosophie, aumônier de diverses maisons familiales puis de l’Action catholique rurale avant d’être détaché au service du diocèse d'Abidjan (1959) où Il prendra notamment en charge le mouvement rural en Côte d’Ivoire. L'abbé Pierre Métral, auteur d'un petit opuscule de souvenir, intitulé "Mes 7 clochers, en 50 ans de ministère, 1937-1987". Maurice Métral, né en 1931 aux Ollières, professeur au collège d’Abidjan à partir de 1959.
Egrège maître Jehan Mestral, bourgeois d'Évian fermier des revenus féodaux de l'abbaye d'Abondance, cité en 1688. Antoine Métral, de La Motte-Servolex (1778-1839), d'abord avocat distingué du barreau de Grenoble, monte à Paris où il devient un publiciste d'une certaine notoriété auteur de plusieurs ouvrages notamment sur l’histoire de Saint-Domingue et d'Haïti et collaborateur de recueils littéraires tels "La revue encyclopédique" ou le "Bulletin universel des sciences".

Gérard PANISSET