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Extraits des archives paroissiales de Ruffieux (73)
Notes du curé Gabriel Perret (1740-1750)
4E2624- BMS 1714-1735 - Remarque en début de registre
Les archives paroissiales de Ruffieux comportent une importante lacune entre 1706 et 1714.
Le curé Perret évoque en 1749 cette lacune due à la négligence d'un de ses prédécesseurs.
Fût Mr Dunoirey curé de Ruffieux par une négligence qu'on ne saurait excuser,
tout digne ecclésiastique qu'il fut, ne fit point de registres en règle ;
se contentant de marquer sur des bouts de papier et même sur des cartes, les mortuaires,
mariages et baptêmes et cela pendant près de 8 ans, dans lesquels mémoires
il y a encore bien des omissions et dont plusieurs se sont perdus,
de sorte que malgré les incombances (sic) que j'ai faite comme on le verra plus amplement
par la requête et autres procédures qui sont parmi les livres de la cure,
je n'ai jamais pu mettre les dits registres de ce temps-là en ordre ce qui cause bien
des affaires : avis aux curés de ne pas négliger chose si essentielle. Perret, 1749.
4E2625- BMS 1736-1749 - Remarques consignées en début de registre
Durant les années 1740-1750,
la Chautagne a connu parfois des conditions climatiques difficiles.
Aux vendanges de 1740, les vignes gelèrent et il fit aussi froid pendant
plus de 10 jours qu'au plus fort de l'hiver et le vin n'a rien valu.
Le 2e mai 1741, il tomba beaucoup de neige.
L'été de 1741 a été si chaud que les arbres et les vignes sont flétris,
le raisin ne peut pas mûrir, la charrée1 de la blache et du foin sont à un prix excessif.
En 1742, il a demeuré si long temps sans pleuvoir que la sécheresse a grillé nos vignes.
En 1746, il a plu presque tous les jours pendant deux mois savoir mai et juin et ensuite
il a fait de si grandes chaleurs pendant juillet et août que les fruits de la terre,
les blés et les vignes en ont été considérablement endommagés et un peu avant les
vendanges, il a fait une bise si froide et si forte qu'elle a égrainé une partie du peu
qu'il restait à nos vignes. Dieu soit béni et donne la paix qui nous désole(?)
depuis plus de cinq ans.
La paroisse de Ruffieux, comme celle de Chindrieux et celle de Serrières,
est placée sous le patronage du prieuré de Chindrieux.
Le curé est nommé par le prieur et les revenus de la cure doivent être partagés.
Le partage de la dîme fait souvent l'objet de tractations et, à Ruffieux,
le curé n'en touche qu'un sixième. Dans ces paroisses, la situation financière des curés
est bien plus précaire que celle du prieur.
Mr l'abbé d'Allinge2, prieur de Chindrieux est mort à Turin il y a près de trois mois.
Il a légué aux pauvres de Chindrieux 400£. et les miens ont été oubliés quoique le dit
prieur a tiré pendant près de 40 ans les revenus de ma paroisse.
Il n'a jamais rien fait pour l'église.
Dieu veuille que son neveu qui lui succède fasse davantage. Ce 29 juillet 1741.
Mr l'abbé de Coudray3, successeur de Mr l'abbé d'Allinge, son oncle,
avait donné deux cent cinquante livres, que j'ai employé[es] à refaire le couvert
du choeur à neuf, le soupié(sic)4, la voûte qu'on a raccommodée et blanchie et les murs
qu'on a haussés et remaillés partout.
Mr l'abbé de Coudré m'a écrit ce 1er avril 1742 qu'il donnerait 110£ pour le retable,
auquel le nommé Devin , maître sculpteur à Chambéry, travaille actuellement.
L'on juge bien que cette somme est bien peu de choses pour un tel ouvrage mais patience,
on tire ce qu'on peut quand on ne peut pas tirer davantage. Il m'en coûtera à moi
le tableau que je fais faire au Sr Beauquier5 à Chambéry, le cadre, les frais,
les portes et les serrures. Ainsi l'on voit combien j'en serai outre ce que j'ai
déjà fait. Encore ce retable ne sera-t-il qu'en bois blanc et par conséquent
peu de choses. Si les temps deviennent meilleurs, on pourra dans la suite y mettre
un vernis gris de perle avec quelques (...) moulures en or fin.
Le 3 de septembre 1742, on a posé le retable, Mr l'abbé de Coudray, prieur,
a donné £ 110 et moi j'ai finalement donné vingt livres tant pour les serrures,
le cadre du devant d'autel et portes (note en bas de page : sans compter les ports
et les frais de bouche). Plus j'ai fait faire à mes frais le tableau. Il me coûte £50.
Si les temps sont meilleurs, il faudra mettre un gris de perle sur ce retable
avec des filets d'or fin sur les moulures, des tringles et des rideaux qui couvriront le tout.
Le tout compté, j'en suis pour l'église et pour la cure à plus de £800,
sans parler des frais de bouche. A Dieu ne plaise que j'arrive à y parvenir de mon vivant
afin que mes successeurs ne m'oublient pas dans leur prières.
4E2625- BMS 1736-1749 - Remarques consignées en fin de registre
Construction du clocher de l'église de Ruffieux, et autres rénovations.
Le mardi de Pâques 1740, on a posé la 1ère pierre des fondations du clocher de notre
paroisse. Il n'y avait auparavant qu'une lourde chèvre de nef (sic) entre le couvert
du choeur et de la nef et qui menaçait ruine.
Il n'y avait point de sacristie. Le Roi Charles Emmanuel par un effet de ses libéralités
a donné 800£. Le reste s'est fait au frais de la paroisse. Il m'en a coûté à moi pour
la flèche du clocher plus de 200£. J'ai encore fait porter à mes frais la croix de pierre
qui était sur cette élévation de terrain entre le chemin menant à Montagnai et à Cestinaz6
(note de bas de page : ou elle allait tomber). J'ai encore acheté une chape et
deux chasubles. La chape est de velours avec une moire d'or, les deux chasubles
sont aussi de prix. On a fait les bâtiments à neuf et le soupied4 de l'église de molasse.
Si mes successeurs permettent qu'on y enterre comme ci-devant, il sera bien tôt gâté.
Mr le prieur de Chindrieux a donné un tabernacle. Pour le reste des réparations du choeur,
on n'a pas encore pu l'obliger à les faire quoiqu'il tire presque tout le revenu
et que le curé ait toute la peine, je marquerai ci-après ce qu'il aura fait.
Le 10 décembre 1740.
J'ai fait faire en Carême de 1741 la charpente de la salle , le foyer et le mur de la
terrasse qui menaçait ruine. Perret, curé.
La communauté m'a entré 78£ de mon argent déboursé, j'ai fait grâce du surplus aussi
bien que des autres dépenses et faux frais.
Sur les dites 78£ qu'on m'a entré, j'en ai dépensé 29,10 pour une croix pour les
processions plus douze livres pour la (???) savoir six livres pour les vitres y compris
la nourriture et la journée du vitrier que j'ai fait venir exprès et six autres livres
pour le menuisier qui a fait la fenêtre, fourni les bois et serrures.
Plus j'ai fait faire ce Carême de 1742, la porte de la sacristie, le marchepied du grand
autel, la commode de la sacristie, le placard, le tout en bois de noyer.
J'ai tenu deux maîtres plus d'un mois, les journées, la nourriture, les serrures,
car il y a cinq serrures avec le bois , le tout coûte près de 140£.
------------------------ ci ------------- £ 140
la croix ci-dessus énoncée --------- 29.10
la fenêtre, vitre et serrures ---------- 12.0
________
181.10
L'on voit par le dit compte que j'ai dépensé les 78£ qu'on m'a entré puisque ces 78£
n'étaient que la moitié de mon déboursé sans compter les frais de la croix de pierre,
les ornements et autres dépenses. Dieu veuille me faire miséricorde et m'accorder un jour
une petite place in divina taberculana.
Le tout compté sans parler des faux frais, j'en suis pour plus de £500 seulement pour
l'église quant à la cure, j'en suis déjà pour plus de £200.
4E2626- BMS 1749-1768 - Remarques consignées en début de registre
Les notes du curé Perret montrent que les relations entre la population et les soldats
n'étaient pas particulièrement mauvaises. Plus fort semble le ressentiment envers
l'intendance.
Réflexions sur la guerre esp.7
Il faut noter que généralement parlant les troupes espagnoles ne sont pas méchantes.
Il n'y a que le ministère qui soit accablant. La troupe et les officiers ont beaucoup
de déférence pour le sexe surtout et pour les prêtres. Les officiers sont généreux et
font des présents aux femmes pendant qu'ils se refusent le nécessaire. Quelle folie !
Le soldat ne se nourrit que de fort mauvaises choses qui lui causent des maladies
et le font crever. Il en est resté plus de 20000 en Savoie (...) ainsi dire de misère.
Le marquis de Laminas8 a commandé après Mr. de Glimes9. Le plus impitoyable et qui nous
a fait des maux infinis a été Amorin de Velasco10, intendant.
L'infant Philippe aimait les plaisirs, la magnificence et la dépense et plusieurs
se sont sentis de ses générosités surtout les dames.
Quelques remarques sur les grands événements de la Guerre de Succession d'Autriche.
Le curé évoque également la capitation espagnole.
Remarques
En 1742, l'armée d'Espagne commandée par l'infant D. Philippe11 et le sieur de Glimes
est entrée en Savoie à la fin du mois d'août, parce que le Roi de Sardaigne allié
de la Reine de Hongrie12 ne voulut pas donner passage pour aller prendre Parme et
Plaisance.
Notandum que la Reine d'Espagne (mère de D. Philippe) dite la parmesane13 s'était départie
des droits qu'elle avait sur ces deux duchés lorsque la Reine de Hongrie se départit
de ceux qu'elle avait sur le royaume de Naples en faveur de D. Carlos14
frère du sérénissime infant D. Philippe.
Notandum que ce n'était pas la Reine d'Hongrie qui s'était départie des droits sur Parme
et Plaisance, mais Charles, empereur, son père.
Cette armée espagnole a désolé la Savoie sans effusion de sang jusqu'au mois de
février 1749, qu'elle s'est retirée en conséquence du traité de paix fait à
Aix-la-Chapelle15.
Elle a passé toutes les années les Alpes.
Elle avait pris Milan et plusieurs autres villes qu'elle reperdit bientôt.
Elle assiégea Coni16 sans le pouvoir prendre, enfin elle revint en Savoie où elle n'a rien laissé.
Virgile avait bien raison de dire à l'occasion du siège de Troie :
Quidquid delirant reges plectuntur Achiui17.
Outre blé, fourrages, bois, draps, bestiaux, huile, chandelles qu'on a toujours été
obligé de fournir à cette armée, on a payé outre la taille qui a été encore augmenté
de six sous par livre, une capitation de dix huit cent mille livres par an, outre une
contribution de quatre cent mille livres et les frais de brigades sont encore montés
à de grosses sommes.
Dieu enfin nous en a délivré. Fasse le Ciel qu'il ne nous les rende jamais.
La France soutenait l'Espagne et pour faire une diversion d'armes, elle envoya une armée
en Bohème qui y fit de grands dégâts et ils prirent Prague qu'ils rendirent bientôt.
Les français dont le Roi était à la tête feront encore de grandes conquêtes dans les
Pays-Bas et entre plusieurs villes, ils prirent Maastricht et Berg-op-Zoom
mais tout cela a été rendu.
Les hollandais, les anglais étaient encore alliés avec la Reine de Hongrie
mais ils n'ont point agi en Italie où les allemands, les piémontais et les savoyards
ont souvent repoussé les espagnols.
Il faut noter que le Roi de Sardaigne Charles Emmanuel a soutenu lui seul
avec ses troupes l'effort des troupes françaises et espagnoles pendant quatre ans
puis que les allemands ne sont venus à son secours qu'en 1746.
4E2626- BMS 1749-1768 - Remarques consignées en fin de registre
On comprend dans ce passage le fort ressentiment du clergé à l'égard de l'intendance
pendant l'occupation espagnole lorsque celle-ci voulut étendre l'imposition aux prêtres.
Le curé semble faire référence ici à un article lu à l'évêché.
Autres faits qui regardent le clergé pendant la guerre espagnole
Messieurs de la délégation générale de Chambéry poussés je ne sais par quel mouvement,
voulurent capiter le clergé, se croyant plus despotiques que leur même despote qui
l'avait toujours exempté dans les ordres : pour l'accabler, ils donnèrent plusieurs
ordres et ont dit même quelques exécutions, (savoir à Mouz et à Serrières18, mais l'argent a été rendu)
auxquelles Monseigneur J.N. Deschamps de Chaumont19 évêque prince de Genève s'opposa avec vigueur.
Le clergé est membre de la république il est vrai mais il est le 1er et il a ses privilèges
auxquels les empereurs et les rois chrétiens n'ont jamais touché, au contraire, ils les ont soutenus.
Charlemagne dans les capitulaires en donne la raison : comme le soldat, dit-il, défend l'état,
le prêtre défend la religion et ni l'un ni l'autre ne doit point être soumis aux impositions et capitation
(Les ecclésiastiques cependant paient la taille et les autres impositions pour les biens qu'ils possèdent
et qui ne sont pas de l'ancien domaine de l'Eglise).
Mais le clergé de France est bien imposé, disaient les Sieurs délégués mais cette imposition s'est faite
pour un motif de religion, cela est constant, la dîme saladine20 en est une preuve convaincante :
c'était pour fournir aux frais de la guerre contre les ennemis du nom chrétien
mais depuis que les rois ont trouvé bonnes ces contributions-là, elles ont passé en loi, parce qu'ils font
eux-mêmes la loi comme il leur plaît, mais du temps de la guerre espagnole, il ne s'agissait point du tout
de conserver la religion, et encore moins de l'agrandir, on voulait seulement abattre le clergé
comme s'il cherchait à s'élever ou qu'il eut désobligé ces Messieurs.
Il est sûr que le peuple n'en avait pas moins payé et que les pauvres en avait aussi trouvé moins de secours
auprès des ecclésiastiques si on les avait capités. D'ailleurs ne sait-on pas que presque tous les biens
ecclésiastiques sont possédés par des abbés, des prieurs ou des communautés qui les conservent sans rien
faire pour le peuple, ne sait-on pas que la plupart des curés ont à peine la portion congrue, pourquoi donc
les avoir tant inquiétés, n'est-ce pas assez de leur peine. Mais, disaient encore ces Sieurs les délégués,
le clergé de Genève contribua d'une grosse somme quand l'armée française voulut entrer en Savoie, cela est vrai,
c'était en 1690 ou environ, on donna gratuitement m écus21 et le duc de Savoie qui les reçut en fit remercier
le clergé par son ministre et que c'était sans conséquence pour l'avenir. On trouve ces faits prouvés
dans des monuments à l'évêché. Mais après il n'était pas question de repousser les ennemis de l'état
et de les empêcher d'y entrer, ils y étaient. Enfin, il est sûr qu'on n'en voulait qu'à nos immunités
et nous mettre de pire condition que les gens du monde. On pourra encore trouver à l'évêché
tout ce qui s'est fait et (…) sur cet article dont je ne donne qu'une légère idée. Tout ce que je puis dire
c'est que les gens du monde et les réguliers se plaisent à opprimer les ecclésiastiques et voudraient
peut-être détruire l'Eglise mais elle souffert de plus rudes tempêtes et le bras de J.-C. n'est pas abattu,
suivant la promesse infaillible, il a soutenu jusqu'à présent son Eglise et il la soutiendra jusqu'à la fin.
La révolte de Gênes en 1747.
Autres faits sur la guerre des espagnols à la fin de 1747
Les Génois, qui s'étaient déclarés pour l'Espagne, furent assiégés dans leur ville par les allemands et
par le Roi de Sardaigne, et Gênes fut prise : c'était là un morceau bien friand si on avait su en profiter
mais Mr De Bota22 qui en fut déclaré gouverneur par la Reine de Hongrie, perdit bientôt sa prise par son
imprudence ou faute d'attention : voici comment après la conquête de cette ville importante, l'armée allemande
et piémontaise voulut pénétrer en Provence et passa le Vars. Il leur fallut du canon :
on voulut tirer de l'arsenal de Gênes ; le bourgeois qui s'aidait par ordre et par force à le sortir reçut
quelques coups de cannes des commis allemands qui faisaient faire ce transport des canons, le bourgeois
et les habitants se (...) à ses mauvais traitements, la populace, l'assemblée et tous se mutinèrent et enfin,
après plusieurs jours de guerre civile dans la ville de Gênes, la garnison qui se trouva plus faible
que la populace, fut obligée de sortir comme elle put. la faute que fit Mr de Bota, c'est d'avoir affaiblit
la garnison et de n'avoir pas désarmé les bourgeois.
Une remarque particulièrement acerbe envers la Cour de don Philippe et les dames de la noblesse.
Ce qu'il y eut de plus étonnant pendant la guerre est que la cour de D. Philippe à Chambéry faisait
des dépenses immenses en festins, bals et comédies pendant que le peuple était accablé.
Et l'on forçait presque toute la noblesse à y assister, je dis presque toute parce certaines Dames y trouvait
leur compte.
Quelques lignes concernant l'épisode de la bataille du col de l'Assiette.
Autres faits arrivés pendant la guerre
Pendant le gros de l'hiver, les français et les espagnols tentèrent de pénétrer en Piémont et allèrent tout tuer
au village de Lachenal où il n'y avait personne, mais le roi de Sardaigne les repoussa si vivement que s'il avait
laisser agir ses troupes, il n'en serait pas resté un seul pour porter la nouvelle de leur fuite.
Chaque français et chaque espagnol plia bagage et retourna en arrière après avoir ramassé l'un son bras l'autre
sa jambe.
Le frère du maréchal de Bellille23 (il s'appelait Fouquet, la moitié de son nom fut cause de sa mort),
voulant faire parler de lui, tenta les retranchements de l'Assiette et y fut tué avec grand nombre d'officiers
et de soldats24.
Sur un feuillet entre les pages du registre :
Epitaphe de Mr le chevalier de Bellille dont le nom ancien est celui de Fouquet, qui fut tué par les troupes
du roi de Sardaigne, voulant attaquer le passage de l'Assiette : ci-gît un fou nommé Fouquet qui mourut d'un coup
de mousquet en voulant attaquer l'Assiette, pour moi, je crois que le sort lui mit du plomb dans la tête pour
le rendre sage à la mort.
L'incendie du château de Chambéry en 1743.
Encore autres remarques
Au carnaval de 1743, le feu prit au magasin de charbon par la négligence des cuisiniers et le sérénissime infant
qui dormait directement dans la chambre qui était sur le dit magasin, y aurait péri sans un garde du corps qui
l'alla prendre en chemise dans son lit et un moment après la chambre fut enfoncé et tout le château réduit
en cendres sans que la troupe qui avait pris brusquement les armes voulut permettre qu'on y apportât aucun secours.
On tint conseil le lendemain car la chose arriva environ une heure après minuit, et l'on accusa les savoyards
d'avoir mis ce feu, de sorte que l'on délibéra au conseil si l'on ferai main basse sur la ville et y mettre
le feu ensuite, mais l'on prouva que depuis plus de huit jours aucun savoyard n'était entré dans les cuisines
et encore moins dans le magasin de charbon. C'est ainsi que cette nation impitoyable cherchait à prendre notre pays.
Une autre remarque qui montre encore le fort ressentiment à l'égard de l'intendance.
Ceux qui s'y opposèrent faisaient figure de héros.
Autres remarques
D'abord que l'armée espagnole fut en Savoie, le ministère établit comme par force une délégation générale
à Chambéry et une autre chaque capitale des provinces. Cette délégation générale composée des principaux
de la ville tant bourgeois que nobles, recevait les ordres du Sgr Intendant des espagnols et les envoyait
aux autres délégations mais il fallait recevoir les ordres avec beaucoup de respect et sans répliquer.
Un jour que l'intendant ordonna une contribution de trois cent mille livres, comme on était hors d'état
de les payer, eu égard d'autres impositions et que d'ailleurs le pays était réduit à la misère, à cause
de la cherté des vivres ; Mr de St-Marcel, Mr Charrost de St-Jeoire et Mr Donzel, membres de la délégation
firent représenter à D. Amorin intendant (les larmes aux yeux pour ainsi dire) l'impossibilité que l'on était
payer une telle somme, mais pour toute satisfaction, ils eurent tous les arrêts chez eux avec chacun 40 grenadiers
à discrétion qu'il fallut payer et nourrir. Voilà comme cette nation nous a traité.
Mr Garsillon avocat général fut aussi conduit par 50 cavaliers, prisonnier à Miolans
où il a été près de trois mois sans pouvoir parler à personne, pour avoir voulu soutenir le pays.
Autres notes
4E2629 - BMS 1793-1819 - Notes consignées en fin de registre
Monseigneur de Sales, évêque de ce diocèse, a attaché à tous ceux et celles qui diront devant la croix plantée
au village de Saumon un acte d'espérance et de charité et de contrition, 40 jours d'indulgence.
J. Collomb
L'an mil huit cent seize et le trente juillet, le Rhône a crû de telle sorte que les eaux sont venues
jusqu'à la prairie dite la Petite Bête, au bord du village de Saumon25 : tous les blés, pommes de terre
du village de la Loex26 et du Mollard de Vions ont été couchés sur un amas de sable, de manière que tout
le pays et surtout les aboutissants des susdits villages ont été réduits à la misère, dans une saison
où le froment se vendait sept £. et dix sols le quart, le seigle six francs et le pesatu27 cinq francs dix.
Pendant tout le mois de juin et de juillet, les pluies ont été presque continues : les vignes qui donnaient
de belles apparences ont été endommagées considérablement par les pluies, et les raisins n'ayant pu fleurir,
ou qu'en partie, la récolte a été très modique et le vin n'a rien valu, la fleur des raisins n'étant pas encore
toute tombée au premier d'août. Le trente un juillet, il est tombé de la neige sur toute la sommité du Colombier.
Cette même année, le douze juillet, sa majesté V. Emmanuel, notre roi, est venu aux eaux d'Aix avec
la reine et les trois princesses ses filles28.
La misère en cette année est allée toujours en augmentant : depuis le mois de mai jusqu'en juillet,
le froment s'est vendu jusqu'à quinze francs le quart, le seigle douze francs, plus ou moins, le pesatu
dix francs dix sols, le blé sarrasin huit francs, les fèves, haricots neuf francs et plus.
On a fait en cette paroisse sur l'invitation du curé une souscription pour venir au secours des malheureux
et depuis le quinze mai jusqu'au premier juillet, on a distribué dix sept vaissels29 de fèves.
Mrs Gand, Masse, Rittaud Laurent, Mme Girod et le curé Collomb ont été les principaux qui ont contribué
à cette aumône, en donnant les uns trente francs par mois, les autres vingt francs, sans compter les soupes
et le pain que les différents propriétaires donnaient à leur maison aux misérables.
Notes
1 unité de mesure pour les fourrages : ce qu'on récoltait sur une vingtaine d'ares.
2 Jean Amédée d'Allinges, abbé de Sainte-Bénigne et qui fut prieur de Chindrieux, décédé le 21 mai 1741.
3 il s'agit probablement d'Augustin d'Allinges, neveu du précédent qui fut abbé de Lunel. Il était le fils du marquis de Coudrée d'où le nom de Coudray ou Coudré.
4 marchepied.
5 la transcription de ce nom propre est incertaine.
6 Montagnet et Chessine, deux hameaux de la paroisse de Ruffieux.
7 le terme de " guerre espagnole " est repris un peu plus loin, on pourrait lire ici " génie esp. " ou " genre esp. ".
8 le marquis de La Mina (ou Las Minas), général de l'armée espagnole. Il avait été envoyé à Versailles en 1739 comme ambassadeur extraordinaire, par le roi d'Espagne, pour faire la demande de Madame Élisabeth de France, au nom de l'infant don Philippe.
9 don Ignace-François de Glimes de Brabant, comte de Glimes, fut capitaine général de Catalogne de 1738 à 1742 sous le règne du roi d'Espagne Philippe V.
10 don Julien Amorin de Velasco, chargé par le roi d'Espagne de l'intendance générale des troupes et de la surintendance générale des finances du duché de Savoie
11 l'infant don Philippe, deuxième fils du roi d'Espagne Philippe V et d'Elisabeth Farnèse, duc de Parme, était à la tête de l'armée espagnole qui envahit la Savoie à partir d'août 1742.
12 Marie Thérèse de Habsbourg, qui succéda en 1740 à son père à la tête du Saint-Empire romain Germanique. Cette succession, remise en cause par plusieurs princes européens, entraîna la Guerre de Succession d'Autriche.
13 Elisabeth Farnèse, princesse de Parme.
14 l'infant don Carlos, roi de Naples et Sicile, deviendra roi d'Espagne (Charles III) en 1759.
15 en octobre 1748.
16 fin 1744 : le 30 septembre 1744, les troupes franco-espagnoles battent le roi de Sardaigne Charles-Emmanuel III près de Coni mais, en désaccord avec le général espagnol (de la Mina), le prince de Conti lève le siège et rentre à Versailles le 9 décembre.
17 " Quelque soit la folie de leurs rois, les Grecs doivent l'expier ", ces vers d'Horace furent repris par de nombreux auteurs pour rappeler que les peuples souffrent toujours des folies de ceux qui les gouvernent.
18 Motz-en-Chautagne et Serrières-en-Chautagne.
19 Joseph-Nicolas Deschamps de Chaumont fut évêque de Genève-Annecy de 1741 à 1763.
20 la dîme saladine est un impôt institué en 1188 par Henri II d'Angleterre et Philippe Auguste pour financer la IIIe croisade contre Saladin. Toute la population était imposée sauf ceux qui partaient se battre.
21 1000 écus écrit en chiffre romain ou bien un nombre difficile à déchiffrer ?
22 Botta Adorno, le marquis de Botta, était le fils d'un transfuge génois.
23 le chevalier de Belle-Isle, était le frère de Charles-Louis-Auguste Fouquet de Belle-Isle, diplomate français et maréchal de France.
24 combat d'Exiles, col de l'Assiette, 19 juillet 1747.
25 aujourd'hui, Saumont, village de la paroisse de Ruffieux.
26 la Loi, village de la paroisse de Ruffieux situé au bord du Rhône.
27 céréales mêlées qu'on semait pêle-mêle.
28 Victor Emmanuel Ier et son épouse Marie-Thérèse d'Autriche-Este et les trois princesses Marie-Thérèse, Marie-Anne (sœur jumelles) et Marie-Christine.
29 unité de mesure utilisée pour les céréales.
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